ÉCONOMIE (relations économiques internationales et système monétaire international)

ÉCONOMIE (relations économiques internationales et système monétaire international)
ÉCONOMIE (relations économiques internationales et système monétaire international)

Pour comprendre les relations économiques et monétaires internationales actuelles, il est préférable de partir de l’idée que le monde n’est pas une juxtaposition de pays qui font des échanges. Ce sont non pas des quantités de produits ou de capitaux qui s’affrontent, mais des institutions et ceux qui les dirigent et, à travers eux, des populations très divisées. L’économie mondiale contemporaine peut être regardée comme un ensemble de sous-systèmes inégaux et de relations entre des institutions dominantes et dominées. Les principaux types d’institutions sur cette scène sont les administrations des États, les entreprises multinationales et les grandes entreprises industrielles, commerciales et bancaires nationales, privées ou publiques, les organisations professionnelles patronales ou non patronales des diverses activités, soit nationales soit internationales, et les organisations intergouvernementales.

La structure des relations économiques internationales

Plusieurs clivages ont été proposés, au cours des vingt dernières années, pour définir la structure du système des relations économiques internationales, c’est-à-dire des relations entre ces institutions: présentation bipolaire des deux blocs capitaliste et socialiste; présentation multipolaire d’alliances régionales dites objectives autour de pays économiquement et/ou politiquement dominants tels que les États-Unis, l’U.R.S.S., le Japon, l’Allemagne, la France; présentation dichotomique Nord-Sud, pays développés pays sous-développés ou du Tiers Monde, pays dominants-pays dominés, pays centraux-pays périphériques.

Henry Kissinger, l’ancien secrétaire d’État de l’administration Nixon, dénombrait quatre puissances mondiales outre les États-Unis eux-mêmes, seule superpuissance politico-militaire et économique: l’U.R.S.S., rival militaire, le Japon et l’Europe, rivaux économiques, et la Chine, pour son potentiel. Le retrait relatif des États-Unis (abandon de la convertibilité en or du dollar, en 1971; atermoiements de la politique extérieure) et, symétriquement, la montée en puissance des économies de l’Europe occidentale et du Japon ont abouti à la situation actuelle d’une économie mondiale dominée par ces trois pôles développés, qu’a rendue encore plus évidente l’effondrement du système constitué autour de l’U.R.S.S.

La «triade» (Kenichi Ohmae) représente 15 p. 100 de la population de la planète, mais plus de la moitié de sa richesse, l’essentiel de ses investissements et la quasi-totalité des échanges de technologie qui s’y accomplissent (tabl. 1). Elle concentre tous les postes financiers de commandement de l’économie mondiale. Cette dernière tend ainsi à s’organiser selon deux axes: d’une part, la formation, autour des États-Unis, de la Communauté européenne et du Japon, de blocs (eux-mêmes prolongés de marches et de zones d’influences), à la fois partenaires et rivaux, homogènes par leurs marchés et leurs systèmes de production («globalisation» de l’économie); d’autre part, la marginalisation économique des pays situés au sud du tropique Nord. La capacité de l’O.P.E.P. à se poser en sous-système plus ou moins autonome, voire déstabilisateur, apparaît désormais bien en retrait de ce qu’elle était dans les années soixante-dix.

Pays dominants, pays centraux: quels sont les moyens de la domination dans les relations économiques internationales? Comment un pays a-t-il les moyens d’exercer un pouvoir central? Comment certains pays sont-ils parvenus à imposer du centralisme, des relations d’affiliation de périphéries à centre, dans les relations internationales? Il semble que la domination repose sur la constitution et l’exercice de six types principaux d’oligopoles. Participer à ces oligopoles, c’est accéder au statut de dominant.

L’un de ces oligopoles est celui des armes décisives. On oublie trop souvent que, jusqu’à une époque récente, l’économie s’est organisée dans un contexte de guerre froide. La croissance extrêmement élevée de la production et du commerce des armes n’a pu que renforcer cette évolution. Si la dissémination des armes dans le monde ne permet pas encore de contester massivement la domination des pays détenteurs des armes «décisives», les contestations limitées se multiplient. Cela se produit avec d’autant plus de facilité qu’une dizaine de pays périphériques fabriquent et exportent déjà eux-mêmes des armes, souvent perfectionnées, et qu’ils sont de plus en plus en mesure de produire par eux-mêmes des armes atomiques opérationnelles.

Un deuxième oligopole est celui de la recherche scientifique et technique et de l’innovation. Les potentiels de recherche et d’innovation sont presque totalement contrôlés par certaines institutions (les États et les grandes entreprises, principalement) d’un tout petit nombre de pays. Les autres pays sont dépendants des premiers dans ces domaines. Cette dépendance se traduit par ce qu’on appelle le «transfert technologique». Ce transfert est accompagné d’un transfert de langages, de normes techniques et de gestion, de codes, de valeurs culturelles et d’usages en matière de production et de consommation.

Il y a un troisième oligopole, qui est celui de la communication. Les informations diffusées dans le monde par les divers médias sont presque toutes réunies et transmises par quatre agences de presse relevant de trois pays occidentaux. Les autres moyens de collecte et de diffusion des informations comme de création des messages sont eux aussi contrôlés par les institutions d’un très petit nombre de pays développés.

Un quatrième oligopole est celui des modes de gestion. Le mode de production dominant dans le monde est celui qui a été mis au point dans les pays développés à économie de marché. Les règles techniques de la production sont ainsi fixées par les technostructures des entreprises ayant leur siège dans ces pays, essentiellement par celles des entreprises multinationales. Ces dernières entraînent l’internationalisation croissante des méthodes et des processus de production et de commercialisation, indirectement par les normes qu’elles imposent et par leurs échanges, directement par la création de filiales, réseaux de sous-traitants et d’entreprises conjointes ou de coproductions (investissement direct à l’étranger).

Du point de vue commercial, un petit nombre d’acteurs exercent une influence déterminante (cinquième oligopole). En 1990, les vingt-quatre pays qui constituent le groupe des économies à revenu élevé, selon la classification de la Banque mondiale, ont réalisé 80 p. 100 du commerce de marchandises dans le monde (importations et exportations, services et U.R.S.S. exclus); la part de la triade C.E., États-Unis, Japon représente à elle seule 60 p. 100 du total des échanges de biens et services (commerce intracommunautaire inclus). Ce qui est surtout décisif, c’est le fait que la «demande» mondiale de biens et de services et même les «besoins» sont largement organisés par les technostructures étatiques et celles des grandes entreprises d’un petit nombre de pays industriels les plus avancés. Les prix et les normes techniques des biens sont en majorité fixés par les mêmes technostructures (administrations étatiques, entreprises multinationales, grandes entreprises importatrices, bourses). Enfin, les flux commerciaux directement soumis aux plans des entreprises multinationales, ceux qui se font à l’intérieur de ces entreprises (entre filiales et entre filiales et sociétés mères), représentent à eux seuls environ 30 p. 100 du commerce mondial actuel. À la fin des années quatre-vingt, les exportations des firmes américaines représentaient moins de 40 p. 100 de leurs ventes à l’extérieur. De ce fait, le commerce international est de moins en moins un commerce de marchandises entre les exportateurs d’un pays et les importateurs d’un autre. De plus en plus, c’est un réseau de filières où circulent des éléments de produits entre les firmes composant les entreprises multinationales, filières organisées par ces entreprises. Les prix des produits sont des prix internes aux multinationales, prix de transfert, qui n’ont presque rien à voir avec les prix d’un marché «concurrentiel» de la théorie traditionnelle. Les prix deviennent les résultats des stratégies financières des entreprises multinationales. À ces larges sous-systèmes monopolistiques dans l’ensemble du commerce international, il faut ajouter ceux des grandes ententes ou quasi-ententes sur certaines matières premières, certains demi-produits, les grands travaux publics, les produits finis de grande dimension tels que réseaux de télécommunication, usines clés en main, centrales d’énergie nucléaire.

Il faut enfin parler d’un sixième type d’oligopole: l’oligopole financier. Actuellement, le réseau mondial des flux monétaires et financiers est dominé de façon presque absolue par les institutions financières d’une dizaine de pays occidentaux: grandes banques commerciales multinationales, banques centrales des principaux pays occidentaux, quelques très grands investisseurs institutionnels.

En relevant tous ces éléments d’oligopoles dans la structure même du système économique mondial, on peut indiquer deux conséquences liées. La première, c’est que l’on tend de plus en plus à étudier l’économie internationale en termes de conflits, coalitions, partenariats entre grands acteurs: les États (ou le groupe qu’ils forment dans le cas de la C.E. et, à un moindre degré, de l’ensemble nord-américain) et les multinationales principalement. On ne peut plus guère utiliser des théories où l’on postule la concurrence entre un nombre illimité d’acteurs à peu près égaux et sans pouvoirs réels. La pensée économique réapprend à interpréter la vie économique dans le monde en termes de luttes et d’armistices provisoires entre grands acteurs qui disposent de pouvoirs réels massifs. La seconde est qu’il n’est pas surprenant, dans ces conditions, qu’il y ait faillite à peu près totale des divers modèles théoriques et des essais de prévision en matière d’échanges internationaux (évolution des prix, des taux de change, des balances courantes, etc.), tous trop déterministes et mécanicistes.

Le système économique mondial tend à être regardé à présent comme un ensemble de sous-systèmes interdépendants, où un petit nombre de pays jouent le rôle de pays foyers, ou centraux. Certaines de leurs institutions, à la fois complices et rivales dans un partenariat de fait, établissent et commandent l’essentiel des flux commerciaux, financiers, informationnels et techniques dans le monde, où les autres pays et leurs institutions ont un statut de dépendants, de périphériques. Cette structure du système est contestée par certains groupes sociaux et institutions dans les pays périphériques. Elle l’a été surtout, et non sans retentissement, par les pays de l’O.P.E.P. Mais de nombreuses conditions devraient être remplies pour que cette dernière et a fortiori une entente du type de celle de l’O.P.E.P. sur d’autres produits de base puissent réellement et durablement s’imposer aux pays dominants. Malgré tout, ces derniers apparaissent vulnérables, principalement sur leurs lignes de communication. Ils le sont aussi pour leur approvisionnement en certains produits de base provenant de pays, tels l’Afrique du Sud ou le Zaïre, où l’évolution politique pourrait provoquer de sérieux déséquilibres. Et s’il n’est pas facile de mettre sur pied des ententes pour d’autres produits de base, cela n’empêche pas qu’un pays assurant une fraction notable de la production d’un produit de base puisse se lancer dans des actions a priori «insensées» pour, à la faveur d’une désorganisation des approvisionnements, provoquer des circonstances favorables à la constitution d’une entente remettant en cause, finalement, la domination des «centres» actuels.

L’évolution du système monétaire et financier

En simplifiant beaucoup, le système monétaire et financier peut être présenté de la façon suivante. Dans la période 1971-1981, on a assisté à une décentralisation extrême de la création monétaire. Ce sont les banques commerciales qui ont créé l’essentiel des liquidités internationales demandées, en prêtant aux agents déficitaires. Ce processus a abouti aux surendettements et à leurs problèmes, révélés brutalement en 1981-1982. Depuis lors, on assiste à un certain «recentrement» du système monétaire autour du Fonds monétaire international (F.M.I.) et des banques centrales des principaux pays occidentaux et de la Suisse. Cela ne signifie pas encore qu’il existe une régulation internationale de la création monétaire. Mais celle-ci est à présent plus disciplinée que dans la période 1971-1981, tout simplement parce que les banques commerciales ont besoin de se mettre à l’abri, à cause de leurs excès.

Le dollar, qui, entre 1973 et 1980 et à nouveau depuis 1985, a vu fondre sa valeur relative, demeure une monnaie de réserve forte, en dépit de l’affirmation du Mark et du yen comme monnaies de réserve. Il reste (plus de 50 p. 100, en 1990, du total des réserves mondiales officielles de change sont encore constituées de dollars) une sorte de monnaie commune et inconvertible, obligatoire et obligée, mondiale. En ce sens, le Système fédéral de réserve américain est devenu pour les autres banques centrales l’émetteur de la monnaie «ultime», à peu près comme celles-ci sont, pour les banques commerciales de leur ressort territorial, l’émetteur ultime à travers leur refinancement en monnaie nationale. Tous les systèmes monétaires nationaux sont donc à présent reliés entre eux et finalement au Système fédéral de réserve par la détention obligée de dollars. Cela ne veut pas dire que cet organisme «contrôle» cette monnaie «commune», puisque la création de cette dernière est d’abord le fait des banques commerciales multinationales et des «eurobanques». Tout se passe comme si les banques commerciales savaient que les risques qu’elles acceptent d’assumer (risques qu’elles auraient jugés inacceptables avant 1973-1975) seront finalement «couverts», même si ce n’est pas de leur plein gré, par les banques centrales des principaux pays dominants et le Fonds monétaire international, d’une part, et «pris en compte» par l’inflation mondiale qui allège la dette des pays à comptes courants déficitaires, d’autre part.

Une conséquence du déluge de dollars et de ses influences déséquilibrantes est la volonté des pays de la Communauté européenne de constituer une zone de stabilisation des taux de change. Un numéraire commun, l’écu, constitue l’élément central du système. Les monnaies des pays membres lui sont rattachées par l’intermédiaire de «taux pivots». Il sert aussi de dénominateur commun pour les créances et engagements issus d’interventions officielles en monnaies des pays membres. La création d’un Fonds monétaire européen, qui était prévue deux ans au plus tard après l’entrée en vigueur du système monétaire européen (1979) n’a pas eu lieu. Ce dernier a dû, pour l’essentiel, sa survie au mécanisme d’intervention sur les marchés des changes hérité en droite ligne du serpent monétaire européen. Cependant, la signature en 1992 par les États membres de la Communauté européenne du traité de Maastricht a posé pour ces derniers l’objectif d’une union économique et monétaire. Inspiré des conclusions rendues en 1989 par un comité présidé par Jacques Delors, un Système européen de banques centrales (S.E.B.C.) indépendant de tout pouvoir politique devrait, à l’intérieur de la C.E., maintenir la stabilité des prix et soutenir les politiques économiques, en vue de faciliter l’instauration d’une monnaie unique le 1er janvier 1999 au plus tard. Au-delà de la ratification du traité par les États membres, l’accomplissement du processus d’union devra surmonter les très sérieux obstacles que constitue, notamment, le rapprochement des différentes économies en cause selon des critères de convergence.

Le développement exubérant des transactions financières et monétaires sur les marchés internationaux depuis 1973, l’accélération vertigineuse de la croissance des positions extérieures des banques ont, en tout cas, mis en relief le rôle clé des grandes banques commerciales. Le système monétaire et financier international est devenu, du fait qu’il n’y a plus d’institutions publiques nationales ou intergouvernementales qui soient aptes à fournir toutes les liquidités internationalement demandées, un système de relations entre grandes banques commerciales, cautionné, et par les banques centrales de quelques pays dominants et par le Fonds monétaire international. Ce système est fragile: les engagements monétaires perdent leur crédibilité car il y a disproportion excessive entre eux et les possibilités de remboursement réel des débiteurs. L’«ajustement» se fait par l’inflation mondiale qui entraîne des crises économiques de plus en plus dures et aussi par la déflation de plus en plus mondialisée elle aussi. Ce qui augmente les probabilités des troubles et des ruptures.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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